Pour nourrir le contenu de cet article, nous avons demandé à Grégoire Bouille, membre APIA Swiss de nous partager son expérience au sujet des enjeux de gouvernance présents dans une entreprise familiale.

Grégoire travaillait aux niveaux de conseils d’administration de grandes entreprises multinationales, jusqu’à ce qu’il décide de reprendre l’entreprise de son père dans le domaine de l’horlogerie en 2008. Il connaissait bien le fonctionnement du business familial, car il y était impliqué au niveau du board depuis plusieurs années déjà. Mais ce-dernier était un peu restreint dans la mesure où il n’existait pas de conseiller extérieur et indépendant. Pour éviter de continuer dans une gouvernance des 3P (Propriétaire, Patron, Président), il a construit son conseil d’administration en y ajoutant un administrateur indépendant.

Le but : être challengé et mettre en place une stratégie. Seul, on a tendance à s’endormir quand tout va bien.

Un conseil d’administration élargi et avec des éléments externes permet aussi de maintenir la croissance et de conseiller. Quand Grégoire a décidé d’investir plusieurs millions pour une nouvelle usine plus grande que la précédente, le conseil d’administration l’a questionné, l’a challengé et lui a permis d’évaluer si les investissements étaient judicieux, afin de déterminer et soutenir cette décision.

En effet, par expérience, Grégoire a très souvent constaté que la confrontation manque dans les entreprises familiales. Les décisions importantes se prennent rapidement ou par consentement tacite, lors d’un repas informel ou d’un trajet en voiture, etc. Mais au final elles peuvent être très importantes et impacter les liquidités de l’entreprise, voire la fortune des actionnaires ou de la famille. C’est pourquoi, Grégoire, dans son rôle actuel d’administrateur indépendant pour d’autres entreprises familiales, recommande que les décisions de conseil d’administration soient toujours prises de manière rigoureuse, protocolées et après une discussion structurée. Car d’autres points prépondérants peuvent aussi jouer sur l’opérationnel ou le management, comme le manque de suivi précis en reporting (ex. 13-week cashflows, hedging), une complaisance au niveau de la gestion des CAPEX, un déficit de vision stratégique (ex. 3-Year plan), l’absence de règles formelles en gouvernance, l’appétence trop faible ou trop élevée aux risques, des mesures d’ajustements qui peuvent nuire à la croissance, au fonctionnement ou même à la revente (ex. processus, structure du capital-actions, « adjusted EBITDA »). Un administrateur indépendant est donc là pour évoquer et contrôler ces éléments cruciaux.

L’administrateur indépendant a également un rôle de temporisateur. Par exemple, quand Grégoire entreprit d’investir en 2008 dans des machines de production supplémentaires afin de poursuivre la croissance rapide de l’entreprise et de ses augmentations de commandes, son père qui était toujours au Conseil d’Administration était d’un autre avis. Ce-dernier pensait à court terme et à sa sortie, alors que le premier pensait sur le long terme et au positionnement futur de l’entreprise. Leur administrateur indépendant a réussi à fédérer ces deux visions de croissance à priori contradictoires et à apporter un consensus familial pour permettre l’évolution de la société, tout en conservant une excellente entente familiale et une bonne gouvernance.

Que se passe-t-il quand plusieurs membres de la famille ne désirent plus rester impliqués dans l’entreprise ?

Avant l’arrivée de Grégoire, son père travaillait en duo avec sa sœur aînée dans l’entreprise.  Lorsque la tante de Grégoire est tombée malade, son père voulait tout vendre. Mais en 2008 le timing n’était pas bon, car on était en pleine récession et crise des subprimes. De plus, la propre soeur de Grégoire travaillait également dans l’entreprise, mais ne se voyait pas investir pour une reprise de l’activité. Dans un esprit de sauvetage des intérêts familiaux, Grégoire s’est proposé à reprendre la société à fin 2008, mais sous 3 conditions principales :  (i) il reprendrait 100% des actions après que la transmission des actions entre sa tante et son père soit réglée, (ii) il ne souhaitait pas devenir le patron opérationnel de sa propre sœur et donc une solution au niveau de la gouvernance devait être trouvée, (iii) il y aurait 3 années maximum de transition avec son papa, afin que ce-dernier ne reste pas dans l’opérationnel ad-vitam aeternam, comme trop souvent dans cette industrie…  Après accord des propositions de Grégoire, un processus de vente transparent et aux valeurs de marché a donc été mis en place pour ne fâcher et ne léser personne. L’administrateur indépendant a joué un grand rôle à ce moment-là, pour aider à fixer la valeur de marché, pour garantir que tout le monde soit satisfait, etc., et toujours dans la perspective de la pérennité et du bénéfice pour la société.

Le rôle de l’administrateur est donc aussi d’être un confident, parce que les enjeux vont bien au-delà des aspects financiers. Il y a toute une partie émotionnelle et un lien à faire entre les différents membres de la famille. L’administrateur indépendant doit s’assurer que la feuille de route familiale soit bien respectée par le conseil d’administration. Souvent, un administrateur indépendant siège également dans le conseil de famille, pour faire le lien de manière impartiale entre la partie familiale opérationnelle et la partie familiale non-exécutive.

En 2017, la société a été vendue à la sollicitation d’un groupe industriel. L’administrateur indépendant a été présent au-delà du travail quotidien. Il s’est occupé de la préparation jusqu’à la sortie. L’Administrateur indépendant a procuré des critères concrets du marché, du processus de vente et sans l’aspect émotionnel.

En résumé, pourquoi est-il préférable d’avoir un administrateur indépendant dans son CA ?

  • Il connaît les dynamiques familiales et les triggers (LT view Vs. ST view)
  • Il est un excellent négociateur, modérateur et facilitateur entre les objectifs à court terme vs. ceux à long terme.
  • Il permet des avis indépendants (sur investissement, transmission, compétence, embauches, évaluation d’entreprise, etc.)
  • Il est garant de la gouvernance et de certains processus de bonne gouvernance d’entreprise
  • Il est investigateur de la feuille de route familiale, d’un pacte d’actionnaire, d’un pacte familial (éventuellement avec plusieurs niveaux).
  • Il met en place des règles et règlements familiaux (ex. fonds de lancement pour initiatives entrepreneuriales, rachat des actions, soutien aux études, critères d’embauches, etc.)
  • Il participe au business développement à l’extérieur des réseaux et du cercle familial (ex. étranger)
  • C’est un point de contact / « soft arbitrage » en cas de crise(s)
  • Il apporte de la diversité, mixité et de l’expertise

Nous remercions Grégoire Bouille, membre APIA et Administrateur Indépendant pour sa grande implication dans la création de cet article.

Toute l’équipe APIA est là pour vous renseigner et vous accompagner dans le choix d’un administrateur indépendant compétent et correspondant à vos besoins.

Équipe APIA Swiss